CROIRE
EN L'HOMME
Cette page est extraite du petit recueil d'André Chapuy, PO de
Loire-Auvergne, et ancien membre de l’équipe nationale. Il y raconte ce
qu'ont été ses 25 ans de vie d’ouvrier, de syndicaliste, de croyant,
de prêtre. Il dit s'être "retourné " pour mesurer le
chemin parcouru et mesurer comment il a été amené à vivre, à croire
en l’homme et dans des organisations de défense, comment les évènements
de la vie l’ont amené à être croyant en Dieu autrement.
«
Ma vie de travailleur, c’est sûr, a fait craquer le costume du croyant
ordinaire, a bousculé ma foi. J’ai dû rajuster les différentes
casquettes. Avec beaucoup d’autres, j’ai essayé d’être un homme,
un homme tout court et aussi un homme croyant. Non pas malgré ma foi,
mais avec ma foi » |

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...Un
jour, j’ai entendu une réflexion un peu surprenante de la part d’un
jeune délégué du personnel dans son entreprise et chrétien: « Et si
à la fin de ma vie de croyant on me disait : tu t'es trompé ? »
Question
curieuse. J’ai essayé de dire : On peut avoir plusieurs casquettes dans
sa vie, mais c’est le même bonhomme. Et si, comme je le crois, un chrétien,
à moins d’anomalie génétique, est un être humain, intelligent, actif
partisan d’une société fraternelle et solidaire, et en même temps
croyant, il y a beaucoup de moments où il ne peut se tromper. - Si tu es
"vivable" avec les copains, tu ne peux pas te tromper. - Si tu
as une parole un peu digne de confiance, tu ne te trompes pas. - Si tu ne
dis pas: moi je me démerde, les autres... - Si tu écoutes les problèmes
des autres et que vous faites aboutir les revendications, tu ne te trompes
pas. - Si tu crois que les droits ne viennent pas tout seuls... - Si tu
essaies d’être un homme et de faire place aux problèmes, tu ne te
trompes pas.
Être
un homme, une femme
A
travers le monde, n’importe quel individu, de n’importe quelle race,
qui souffre de maladie, essaie de guérir. C’est une réaction normale.
Pas besoin qu’on le lui dise. C’est une évidence, ce sont ses premières
raisons de vivre. Vivre aujourd’hui, soi-même et ceux de son groupe,
comme des hommes, des femmes. Nourrir sa famille, surveiller sa santé,
s’occuper des anciens, avoir des problèmes et des malheurs... tant
qu’à faire, autant les affronter ensemble plutôt que d’ajouter aux
difficultés en s’emmerdant les uns les autres. Organiser le groupe, la
société où l’on vit et, dans la mesure où construire ensemble semble
plus intelligent que détruire, la paix plutôt que la guerre, fraterniser
préférable à rejeter, déjà cette manière de vivre a un sens.
Comme
dirait un journaliste: Dieu, si c’est quelqu’un de sérieux (pourquoi
pas ?), la misère, la souffrance, l’injustice, ça lui pose question.
Et s’il a du cœur, de la sensibilité, comme on le dit, il doit apprécier
de nous voir lutter contre ces malheurs: l’exploitation, la dérive SdF,
vers le bien-être et le progrès. S’il voit des hommes et des femmes répondre
présent quand ils entendent crier au secours et même avant, il doit être
heureux. Il est même capable de dire: « La religion qui me plaît: libérer
les gens de l’oppression, partager son pain avec celui qui a faim, héberger
les pauvres sans abri, vêtir celui qui a froid et ne pas te dérober
devant ta propre chair » (Isaïe 58) ... c’est ça la religion qui lui
plaît. Et si tout cela était « ce qu’il y a de meilleur en nous
», comme disait Lise Lesèvre. [...]
Dans
tous les cas, quel que soit le Dieu auquel chacun accorde sa croyance, il
me semble déjà fondamental aujourd’hui de croire en l’homme...
Sans vouloir vexer aucune religion, force est de considérer que sous
toutes les latitudes, l’homme ne naît pas d’abord religieux. Chaque
être humain naît d’abord bébé, petit d’homme et de femme avant
d’être baptisé, chrétien, juif ou musulman. La croyance vient après.
La foi s’ajoute plus tard. Tout bébé, tout nouveau-né a sa valeur
unique, mystérieuse.
Une
telle évidence pour rappeler, s’il était besoin, la grandeur de
l’humanité de base, de la vie humaine première... la richesse de cet
enfant, de ce nourrisson tout neuf, doué de raison, de capacités. Évidemment,
un religieux "fanatique" dirait qu’à ce moment-là il manque
au bébé le principal, à savoir le "sacré " à venir.
Et
pourtant, à ces "fanatiques", il faut rappeler que la Bible
elle-même nous dit qu’à la création du minéral, du végétal et de
l’animal, Dieu était tout heureux, satisfait. « C’était bien ! ».
Mais à l’arrivée de l’être humain il était tout excité: « C’était
très bien ! ». Mention "très bien". Même avant tout baptême,
circoncision ou cérémonie d’initiation, "mention très
bien". « Il est beau mon "petitou" ! » |
Croire
en l’homme...
Il
est le premier. La morale, les religions... l’homme passe avant, c’est
d’abord lui, l’être humain, "nature", neuf, vierge,
fondement de tout progrès, de tout grandissement, affectif, intellectuel
et spirituel.
Finalement,
le message de Jésus de Nazareth, c’est simplement un appel à la
fraternité, à la solidarité. Et aussi, l’annonce d’un Dieu en lien
avec nous, quelqu’un de bon et de simple.
Un
message ni bizarre ni très original, mais porté par beaucoup d’hommes
dans l’Histoire. Un appel à vivre ensemble, en luttant contre la mal et
le malheur. Mais il était difficile à l’âge de pierre et même plus
tard de ne pas associer le divin avec tous les cataclysmes, tremblements
de terre, catastrophes... avec tout ce qui était démesuré. Un Dieu qui
dirigeait tout, auquel il était nécessaire d’offrir des sacrifices
pour se prémunir du malheur. Avoir peur et subir. Pas question de pouvoir
intervenir, d’avoir des actions humaines propres, efficaces.
Le
destin était tracé. Quel contraste avec ce
refrain de la JOC,
qui disait la fierté des travailleurs et leurs capacités: |
De
notre peine est fait le monde.
De
nos mains nous l’avons construit.
C’est
par nous que la forge gronde,
Que
le bois chante et l’acier luit.
Nous
avons capté les rivières,
Soumis
le feu, doré le pain.
Travailleurs,
amis, mes frères,
Le
monde est sorti de nos mains.
|
André
CHAPUY, PO de Brioude |
Rêve,
utopie ou réalisme ?
Les
représentants des pastorales ouvrières de 9 pays d’Europe ainsi que
des coordinations européennes de la JOC (CIJOC) et du Mouvement mondial
des travailleurs chrétiens, se sont retrouvés à Pétange (Luxembourg),
du 23 au 26 avril 2003 pour le colloque du GEPO, sur le thème: "
alternative au néo- libéralisme", rêve, utopie ou réalisme ?
Bernard MARCHAL avait été délégué par l'équipe nationale pour suivre
les travaux de ce colloque du GEPO (Groupe européen des Pastorales ouvrières).
Nous
présentons ici de larges extraits du compte-rendu qui en a été fait.
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Sombre
tableau pour le monde du travail
L’invitation
avait été faite aux participants de faire le point sur la situation des
femmes, des hommes, du monde du travail aujourd’hui en Europe. Le
tableau s’est révélé sombre. La situation se dégrade de façon
dramatique. Les conditions de travail sont de plus en plus dures et précaires.
Le chômage est massif, les accidents du travail de plus en plus nombreux
surtout dans le secteur des emplois précaires. Ces situations provoquent
peur, stress, dépression, perte de confiance en soi.
Les
jeunes, les femmes, les étrangers en sont particulièrement victimes et
davantage dans les pays du Sud et de l’Est de l’Europe. Partout, la sécurité
sociale est menacée, les services publics en voie de disparition, la
baisse des revenus des travailleurs constante.Les conséquences sur les
mentalités sont évidentes: compétition et individualisme,
l’inacceptable est accepté, l’engagement solidaire devient difficile
et la publicité pousse à la consommation.
Mais
beaucoup font face à cette situation
La
militance est en interrogation. Mais s’il devient de plus en plus
difficile d'inscrire son action dans le long terme, on constate néanmoins
une multiplicité d’engagements dans la vie associative, plus proches et
plus ponctuels. Les organisations syndicales et la pastorale ouvrière
tentent de faire front à cette situation.
De
nouveaux combats se mènent, des réseaux de résistance se nouent. Les
lieux de formations, de débat, de prise de conscience sont multiples. Les
actions de proximité se développent. Des lieux où il est possible de
rendre compte des raisons de vivre se créent. La pastorale ouvrière fait
souvent preuve de créativité et d’audace pour proposer des lieux d’Église
plus près des travailleurs.
Partage
d’expériences
L’échange
sur ce thème dans les 6 ateliers du colloque fut des plus passionnants:
maison de quartier en milieu populaire, action contre le harcèlement au
travail, pour l’assurance chômage et sur les conditions de travail.
Rencontres entre chrétiens et musulmans, action avec des jeunes pour la
citoyenneté.
L’importance
d’une utopie mobilisatrice a été fortement soulignée avec
l’affirmation qu’un autre monde est possible. Les actions modestes
sont déjà une résistance sur ce chemin vers une alternative. Elles
aident les femmes et les hommes du monde du travail et surtout les jeunes,
à ne pas glisser du chômage à l’exclusion, leur permettant d’être
acteurs de leur existence. Dans un contexte où certains veulent voir un
conflit de civilisation, l’importance de prendre la voie du dialogue
entre personnes de cultures et de religions différentes a été soulignée.
Il y a là des raisons de faire le pari de la confiance.
Points
de repères et sens de la vie
Contrairement
à ce que certains sociologues ont pu affirmer naguère, le travail reste
une valeur importante pour les Européens. Certes, elle n’est pas la
seule valeur et se situe en deuxième position derrière la valeur
famille, largement en tête. Les amis, les loisirs prennent de plus en
plus d’importance. Les enquêtes confirment que les grandes
institutions, comme par exemple les Églises, continuent à perdre du crédit.
Par contre, la recherche de points de repère et de sens à la vie est de
plus en plus forte. La foi en Dieu existe malgré tout, mais c’est la
foi en un Dieu "à la carte", au visage souvent flou et divers.
Ouverture
de nouvelles pistes
L’importance
de la révision de vie comme lieu où l’on peut vivre et se dire en
groupe a été réaffirmée. Elle permet de nommer ce qui nous anime et de
reconnaître Jésus-Christ dans la vie. La Bible est une chance pour les
croyants du monde du travail. Son message, qui vient d’ailleurs et de
loin, garde fraîcheur et stimulant. Elle dit Dieu dans des histoires et récits
de la vie. L’importance d’un lien avec les organisations syndicales et
les nouveaux mouvements sociaux a été également fortement soulignée.
Dans
un contexte où, dans de nombreux pays, elle est marginalisée, les
participants ont redit l’importance de la pastorale ouvrière pour l’Église.
Elle contribue à la nécessaire sensibilisaion de la communauté chrétienne
aux réalités du monde du travail.
L’historien
espagnol Francisco Porcar a proposé quelques réflexions sur le thème
des "défis de la Pastorale ouvrière du 21e siècle"» et sur
"La promotion du monde ouvrier ". La spécificité de la
Pastorale ouvrière est de témoigner de l’Évangile auprès des
travailleurs, mais on ne peut rendre présent l’Évangile sans changer
la réalité sociale, a-t-il précisé. Il faut promouvoir dans l’agir
un humanisme radical qui mette au centre la personne humaine. On ne peut
annoncer Jésus-Christ sans vouloir inventer des éléments
d’alternative au modèle actuel de société qui conduit à une vulnérabilité
permanente des travailleurs et de leurs familles.
Isabelle
Hofferlin de la Confédération mondiale du Travail a souligné les dégâts
du néo-libéralisme dans les pays du Sud et de l’Est. La question de
l’emploi est au cœur de la question sociale, a-t-elle affirmé. Alors
que l’emploi se détruit, 9 des 10 emplois qui se créent dans le monde
le sont dans le secteur informel, précaire, mal payé, sans sécurité
sociale. De façon hétérogène dans le monde entier, nombreux sont les
personnes et les groupes qui veulent construire une autre planète. Porto
Alegre en est l’illustration.
Alternative
au néo-libératisme: rêve, utopie ou réalisme ? Les nombreux échanges,
les réflexions et les débats de ce colloque ont montré qu’elle
s’inscrit dans le réalisme. La seule issue pour un monde de paix est de
construire un vivre-ensemble dans la justice, la fraternité, l’égalité,
la sobriété. Les acteurs de la pastorale ouvrière y voient de larges
connivences avec l’Évangile et le combat de Jésus de Nazareth, vrai
visage de Dieu.
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Maîtriser
l’avenir
A l’annonce de la fermeture de l’usine Péchiney d’Auzat et de
cinquante licenciements à Sabart, en Ariège, avec des centaines
d’emplois liés au travail de ces usines, fragilisés ou détruits,
Marcel Perrier, l’évêque de Pamiers écrivait.
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Au
siècle dernier, les communes ont accueilli barrages, centrales et
entreprises. Les travailleurs, certains au péril de leur vie, ont apporté
leur travail, leur compétence et leur solidarité.
Comment
accepter aujourd’hui que les travailleurs, les syndicalistes et les élus
ne soient pas méthodiquement consultés pour les graves décisions
concernant leur vallée ?
Les
actionnaires et les concepteurs des usines ne devraient pas être les
seuls décideurs, car ils ne sont pas les seuls réalisateurs de
l’entreprise. Tous ceux qui sont partenaires dans le fonctionnement de
l’usine doivent aussi être partenaires dans les décisions.
Les
hommes ne sont jamais de simples rouages dans le fonctionnement des
choses.
J’admire
l’immense mouvement de solidarité qui se développe dans le département
pour soutenir ceux qui sont menacés dans leur travail et pour sauver ce
qui peut être sauvé. Le mouvement montre aussi l’attachement des
habitants de la vallée à Péchiney.
Les
Ariégeois ont su humaniser leur terre, la défricher et la retenir par
des murettes. Et cette terre, beaucoup ont dû la quitter. Les Ariégeois
ont creusé et exploité les mines. Elles sont presque toutes fermées !
Ils sont partis à des guerre qu’ils ne voulaient pas. Mis en premières
lignes, ils ont eu plus de morts que beaucoup de départements. Des usines
sont venues s’installer au bas des lacs et des torrents, vont-elles
partir ailleurs ?
Trop
c’est trop ! L’Ariège, terre de courage, est capable de participer à
la sécurisation et à la modernisation de ce qui lui reste comme moyen de
travail. Même si d’autres industries sont toujours à créer, s’il
vaut mieux soutenir les artisanats et les petites entreprises, aider
agriculture et élevages, même s’il est nécessaire de développer
encore le tourisme, l’Ariège, pour son équilibre, a besoin de
l’industrie.
On
pourra dire: de quoi s’occupe l’évêque des catholiques ? Il est
devenu Ariégeois ! En Église nous avons comme message principal
l’amour du prochain.
Aimer
son prochain, c’est d’abord œuvrer avec tous pour plus de justice et
de paix. Et cela exige un partage du travail, des richesses et des
responsabilités. Le travail est vital.
Ce Jésus dont on parle,
n’a-t-il pas travaillé de ses mains la plus grande partie de sa vie ?
Marcel PERRIER, évêque de Pamiers
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Une
journée inoubliable !

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Bercy,
le 3 mai 2003...quelle vie, quelle joie, quelle force, quels lendemains !
Je
n’ai malheureusement pas pu être là partout, nous dit René Lelièvre,
mais là où j’ai été, ça parlait, ça écoutait, ça riait, ça
chantait, ça dansait ! Tam-tam, ola, rap, chorale... Débats, tables
rondes: sur le travail saisonnier, l’apprentissage, les quartiers, l’école,
les associations, construire la paix... Ça fusait de partout. De temps en
temps un petit tour dans le village des tentes: ballades, animations de
toutes sortes et de toutes les couleurs.
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Plein
les oreilles et plein le cœur !
Nous
étions combien ? 15.000 s’accorde-t-on à dire. Quand tout le monde a
été dans la salle de Bercy, nous en avions plein les oreilles et plein
le coeur. C’était comme un jour à part, mais qui avait lieu, grâce
aux jours d’avant, et qui préparait les jours d’après.
"On
est fait pour s’entendre ! " Ce n'était plus la peine de le crier
puisqu’on le vivait.
Les
invités l'illustraient bien : Bernard Thibault pour la CGT, François Chérèque
pour le CFDT, Luc Ferry, le ministre de l’éducation et de la recherche
(chahuté), Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional de l’Île
de France, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, sœur Emmanuelle, l’abbé
Pierre, Jean-Marie Lustiger, l’achevêque de Paris... etc.
Nous
avons eu droit à un petit spectacle écrit et joué par des jocistes vendéens
pour nous rappeler l’histoire douloureuse des premiers 1er mai.
D’autres ont dansé, chanté... Bref Bercy, c'était une fête JOC,
pleine de "J ", de "O", de "C ".
Un
"C" en forme d’expression un peu étouffante
N’y
avait-il pas même un peu plus de "C ", exprimé différemment
et parfois dans une forme un peu étouffante ? Je ne parle pas de sœur
Emmanuelle et de l’abbé Pierre qui s'exclamait en ces termes: « Vous
avez une mission, veinards. Vous êtes le levain pour réaliser votre
mission dans votre cité. Et pour cela, il vous faut travailler, étudier...
N'oubliez pas de vous appuyer sur l’amitié de Jésus ».
Certes,
la JOC avait jusqu’ici peu invité de personnalités de cet acabit, mais
quel souffle de liberté et de "jeunesse ", elle leur a offert !
Quand
je parle d’étouffement, je parle de la célébration, plus exactement
de la messe (c’est toute la fête qui a été une célébration)... une
messe en bonne et due forme, un moment entre parenthèses. L'innovation,
la liberté, l’échange, le débat ont été mis sur le côté.
Sans
doute y a-t-il eu des moments où les jocistes ont voulu s’échapper du
carcan, d’un plan immuable, comme lorsqu'après l’Évangile, deux
jeunes ont voulu nous dire simplement comment ils avaient reçu l’évocation
de la rencontre d’Emmaüs avec des mots compris par tous les jeunes.
Mais
ça a été comme des lueurs vite éteintes par le célébrant. Il a semblé
n’avoir eu pour souci, que la messe se déroule selon les normes
liturgiques immuables, avec les mots convenus irremplaçables.
La
messe a été un spectacle regardé avec respect alors que les autres
moments du rassemblement ont été des spectacles auxquels tous ont
participé avec joie.
Une fête qui ne sera pas sans lendemain
Dans
la fédé où je suis, il y avait en moyenne 4 jeunes invités par
jociste. Au retour, dans le bus, nous avons pris date pour nous revoir,
faire mémoire, continuer à notre échelle le souffle de Bercy, voir
comment vivre, là où nous sommes, la charte du "vivre
ensemble".
La
proclamation de cette charte a été un moment fort de la fête. On peut
en citer quelques extraits: « Je veux porter un regard positif sur
l’autre... Je veux le connaître et ne pas être indifférent à ce
qu’il vit... Je me refuse aux propos racistes et aux actes violents...
Je
veux me construire comme un jeune responsable, ayant des opinions et des
projets qui me sont propres... Je veux pouvoir exprimer mes idées, débattre
avec d’autres pour m’enrichir de leurs expériences... Nous jeunes et
adultes, nous nous engageons à mettre cette charte en œuvre dans le
quotidien de nos vies »
Une
journée inoubliable
En
fin de journée, pendant les concerts, la foule des jeunes, copains et
copines, avec leurs bâtons lumineux ont formé un immense groupe soudé.
« A Bercy, disait Xavier, un jeune de 15 ans, le message est
"super" bien passé ! »
«
Aujourd’hui, disait un autre de 14 ans, Antoine, c’est difficile de
trouver le métier qu’on aimera, qui donnera une situation stable. Ce
n’est pas non plus évident de sortir de sa culture familiale.
Participer à la JOC, ça aide à faire bouger tout cela »
Quant
à un aîné de 42 ans, Eric, il reconnaissait que « ce
rassemblement était pour lui un bain de jouvence... La classe ouvrière,
disait-il, connaît plus de précarité et d'individualisme que par le
passé. En entreprise, beaucoup travaillent chacun pour soi. La JOC,
c’est une ouverture sur les autres »
Une
journée inoubliable pour tous les participants. Mais comme l’a dit
Sophia De Oliveira, la présidente de la JOC, « ce rassemblement ne sera
to- talement réussi que si les jeunes invités font un pas de plus dans
le mouvement! Continuons à donner chair à notre projet.
Ensemble,
aujourd'hui et demain, allez ! Lance-toi ! N’attends plus pour faire
vivre ton mouvement ! »
Un
participant au rassemblement
René
LELIÈVRE, PO
de Valenciennes |
Maurice,
préposé de la Poste
La
plupart de mes collègues, nous dit Maurice Bubendorff, ont découvert ma
véritable identité après la Rencontre de Strasbourg, il y a un an, à
la Pentecôte. A mon retour des vacances, fin juin, du fait que j’étais
passé à la télé, j’ai eu droit à leurs questions, mais toujours en
aparté, du genre:
" Mais t’es qui, toi ?
... T’es prêtre ou quoi ? "
Depuis
deux ans, en effet, je suis facteur et je suis prêtre. Les autres prêtres-ouvriers
d'Alsace sont en retraite ou préretraite professionnelle. Lors de mon
engagement au travail, j’ai quitté le quartier de Hautepierre pour
gagner celui de la Montagne verte et y rejoindre les deux copains du
Prado, Albert et Joseph.
|

|
Prêtre-ouvrier
pour rejoindre les gens
Le
PO, c’est un prêtre comme les autres. Comme pour eux, son ministère
c’est l’annonce de l’Évangile, à des personnes, à des groupes
humains dont l’Église est très loin, à des gens qui ne viennent pas
dans nos églises. Des gens, des personnes que Dieu aime.
Parce
qu’il s’agit de rejoindre ces personnes, ces groupes, le ministère du
prêtre-ouvrier passe par le travail. Partager le travail, la condition
ouvrière, la vie de ces personnes, mais aussi leurs espoirs et leurs
luttes pour plus de dignité, de considération, de justice.
Mon
ministère principal, c’est donc mon travail de facteur, les liens qui
se créent petit à petit avec les collègues comme avec les usagers de la
Poste. Tous ces liens, toute cette vie doit signifier, à travers mon
ministère, l’amour que Dieu a pour les êtres humains, quels qu’ils
soient.
C’est
aussi une façon de dire dans l’Église que la "mission"
est urgente aujourd’hui. L’Église n’est-elle pas faite pour ceux et
celles qui n’y sont pas ?
Bien
entendu, on ne peut pas s’y prendre comme le ferait une secte. C’est
un enfouissement, et on est content de voir des signes surgir, jaillir.
Des signes qui font rendre grâce à Dieu, parce que son Esprit travaille
au cœur des hommes, parce que des gens avancent, s’ouvrent à
d’autres, se font messagers de paix...
Rencontres
signifiantes
Ce
matin, rue du Gabon, une femme africaine qui fait le ménage dans les entrées
d’immeubles pour une entreprise où j’ai travaillé précédemment
durant 3 semaines, me disait: « Le travail est dur. Ils ne payent pas et
la vie est de plus en plus chère...»
La
factrice qui fait sa tournée me dit à chaque fois bonjour, lorsque nous
nous rencontrons dans le quartier. Ce Jeudi Saint, j’étais heureux de
croiser cette personne avec laquelle j’ai eu déjà l’occasion de
causer à Illkirch et d’apprendre ce qu’elle m’a confié de la préposée
que je remplaçais ce matin là.
On
s’attache petit à petit aux gens, aux collègues, à ceux à qui on
donne le courrier, aux secrétaires. Petit à petit des confidences
viennent, concernant souvent la dureté du travail, l’autoritarisme des
employeurs. Ma prière alors est souvent un grand merci pour ce travail de
l’Esprit, prière d’intercession aussi pour ceux et celles que je
rencontre.
Je
repense à cette phrase de l’Évangile: « Je vous ai donné un exemple
afin que vous fassiez vous aussi comme j'ai fait pour vous ! » A la suite
du Christ Jésus, le "serviteur ", tout chrétien, tous nous
sommes appelés à devenir " bon pain" pour les autres, à nous
faire serviteurs dans le concret de notre vie d’homme ou de femme.
C’est ce qui nous est rappelé en ce soir du Jeudi Saint.
Je
crois qu’il est important que sur les quelques 1.000 prêtres d'Alsace,
l’un ou l’autre partage la vie de travail. C’est un envoi pour dire
que l’Église s’efforce d’être solidaire des ouvriers, que Dieu
aime les hommes, les femmes et spécialement les petits, ceux qui n’ont
pas trop la maîtrise de leur vie.
C’est
vrai que mes collègues de travail n’expriment pas grand chose sur ce
que je suis à leurs yeux, sur mon ministère. Mais j’ai le sentiment
d’être apprécié comme remplaçant. Je suis quelqu’un qui ne sabote
pas le travail. Alain, un gars de 30 ans, "rouleur" comme moi,
avec qui j’avais sympathisé, a découvert que j’étais prêtre, à un
pot au bureau. Il m’a dit: « Moi je suis athée, toi, t'es curé, mais
t’es un "mec" plutôt ouvert ! »
Un
des voisins du bloc d’immeubles où j’habite, rue de Crastatt, est éboueur
à la communauté urbaine de Strasbourg. On se croise parfois à Plobsheim,
lui derrière le camion poubelle et moi au volant de la fourgonnette. Il
n’y a pas longtemps il m’a dit: « Ah, vous aussi vous vous levez tôt
tous les matins ! ». Il me disait aussi: « Le travail, c'est dur
actuellement et ça ne paye pas... »
" PO, des gens qui nous comprennent "
A
la suite de cette remarque, je pense à l’histoire des prêtres-ouvriers,
à la sympathie que leur réservent les petites gens, qui disent ou qui
ont conscience que les PO, ce sont des gens comme eux, des gens qui sont
de leur côté... des gens qui nous comprennent, disent-ils.
Le
chrétien, c’est un autre Christ: « Je vous ai donné un exemple pour
que vous fassiez comme j’ai fait pour vous ». Saurons-nous, ce soir de
Jeudi Saint et dans les jours qui viennent, saisir cet appel et cette
mission que le Christ resssuscité, le Christ de Pâques nous confie,
partout où nous vivons, partout où il nous donne d’aimer ?
-
Maurice BUBENDORFF, PO de Strasbourg
Ce
texte est repris de l’homélie que Maurice a fait, le jeudi saint 2002,
à la messe qu’il célébrait.
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PRETRES et OUVRIERS :MARS 2004
Pour
le cinquantenaire de mars 1954, le groupe «Mémoire PO» se donne
l’objectif de faire paraître un ouvrage, fruit de 10 années de travail
collectif. A l’occasion de sa réunion d’avril, l’équipe
nationale PO avait donc invité Nathalie Viet-Depaule, chercheur au CNRS
pour le champ "religions", à nous parler de l’élaboration et
du contenu de ce livre, qui aura pour titre :
«
Prêtres et ouvriers »
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L'équipe
" Mémoire PO"
Ce
collectif, dont le secrétaire de l’équipe nationale, Jacques
Bressollette, a ratifié l’existence dans les années 90, s’est
donné pour tâche de mettre à profit cette constitution d'un dossier de
"mémoires", pour dire quelque-chose, de portée collective, sur
ce que sont les prêtres-ouvriers.
Une
élaboration, privilégiant diverses histoires individuelles replacées
dans le contexte social, religieux, politique du moment où elles ont été
vécues.
Une
construction permettant d’identifier les personnes citées et précisant
leur inscription dans l’espace professionnel dans lequel elles étaient
situées.
Un
livre pour 2004
Le
livre projeté a pour objectif de présenter quelques éléments
constitutifs de la spécificité de ces prêtres qui sont aussi des
ouvriers. Une introduction indiquera le long travail d’élaboration
collective d’une dizaine d’années du groupe "Mémoire PO"
pour l’édition de ce livre, et précisera la perspective retenue. En
six chapitres seront développés un certain nombre d’éléments qui
apparaissent significatifs de ce que sont les PO et leurs engagements.
Importance
des archives
De
son côté, Jean Perrot qui, dans le groupe de travail, représente
les PO de statut diocésain , a insisté pour rappeler l'importance
pour tous d'assurer la sauvegarde de nos documents de PO par
le biais d'un legs à "L'association Équipe nationale des prêtres
ouvriers ", dont le libellé est indiqué ci-après.
Legs
à l'équipe nationale
Il
suffit d'écrire cette formule de sa main, de dater et signer le papier et
de le faire parvenir dans les meilleurs délais au secrétariat de l'équipe
nationale. Il est également indiqué d'en conserver un double et de le
joindre aux dispositions testamentaires pour que les archives léguées ne
soient pas détruites par ignorance de la volonté du défunt.
Dès
lors, au " départ " d'un prêtre-ouvrier, le Centre des
archives du Monde du travail de Roubaix, informé par le secrétaire de l'équipe
nationale, se charge de la récupération, du classement et du transport
des archives. Ce centre étant un organisme officiel, la réalisation de
ces opérations n'entraîne aucun frais pour qui que ce soit !
Il
est également important de savoir que l'équipe nationale s'est réservé
le droit d'autoriser ou non la consultation de ces archives par des étudiants,
journalistes, historiens, chercheurs...
Toutes
les notes personnelles, notes de réunions, lettres envoyées ou reçues,
interventions personnelles, tracts ou articles, documents gardés, sont
intéressants pour ces archives. C'est au Centre des archives de Roubaix
d'en déterminer l'importance.
L'équipe
nationale souhaite que dans chaque région PO un "responsable
archives" soit désigné, si cela n'a pas encore été fait. Il est
chargé de sensibiliser les PO de la région sur l'importance de leurs
archives et la nécessité de veiller à leur bonne conservation.
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Ainsi,
y évoquera-t-on la "vocation de prêtre-ouvrier et le sens d’un
silence engagé " - La notion "qu’être PO, c’est être prêtre
autrement "
- L’importance du "travail auquel les
prêtres- ouvriers
sont consacrés et par lequel ils ont été façonnés" - La
conviction pour eux qu'il s'agit bien "d’un engagement sans retour
et de leur appartenance à un peuple en lutte"
- "Les tensions
et conflits" qui les ont marqués - "Les enjeux" que représentent
les prêtres-ouvriers.
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Formule
du legs
Je
soussigné, ... (nom et prénom), voulant assurer la conservation des
documents qu'il a réunis au cours de son ministère de prêtre-ouvrier et
notamment des ... (liste des documents), donne et lègue tous les
documents qu'il aura ainsi réunis jusqu'au jour de son décès et spécialement
ceux qui viennent d'être énumérés, à l'Association " Équipe
nationale des prêtres-ouvriers "
Ces
documents sont dépourvus de toute valeur autre que spirituelle ou
historique.
Fait
à ... (lieu)
le ... (date)
Signature...
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RUMEUR
!
Rencontre avec de futurs
ministres anglicans et pasteurs anglais
Un groupe
anglais d’une trentaine de personnes, hommes et femmes, se préparant au
ministère, s'est retrouvé le 15 mars 2003 avec des PO de la région
Nord-Pas de Calais.
Leur statut dans
l’église anglicane ou les églises réformées, auxquelles ils
appartiennent, les situe également dans la vie professionnelle. Ils sont
donc intéressés par la manière dont les PO français conçoivent leur
ministère dans leur engagement au travail.
La rencontre, à
laquelle participaient Raymond Hatte, Roger Philipson, Auguste Fayolle,
André Lamiaux et Michel Grimonpont, PO de cette région proche du
Royaume-Uni, fait apparaître que ce ne peut pas être le seul fait
d’exercer une profession, tant pour les PO français que pour les
ministres anglicans ou pasteurs réformés, qui permette d'établir une
similitude de ministère.
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Ce qui étonne nos
amis anglais
Les questions posées
par nos amis d'Angleterre font apparaître très clairement la différence
des perspectives.
- Ainsi ces futurs
responsables de paroisses anglicanes ou réformées, qui travaillent
professionnellement, se demandent quelle différence il peut y avoir entre
la présence dans une entreprise d’un chrétien et d’un prêtre-ouvrier.
- Ils ont du mal à
comprendre que dans nos actions de PO pour la défense des travailleurs,
nous ne fassions pas ordinairement référence à la Bible.
- Ils se
demandent si, dans notre ministère de PO, les perspectives syndicales ou
politiques ne tiennent pas plus de place que l'évangélisation. C'est
l'occasion de remarquer que des deux côtés du Channel la société ne se
trouve pas affectée de la même manière par la "sécularisation".
- Ils s’étonnent
aussi que nous ne soyons pas plus préoccupés de faire des conversions.
L'Église est-elle en déclin en France, demandent-ils ?
- Ordinairement
chargés d’un ministère pastoral, nos amis anglais s’inquiètent que
les PO français semblent marginaliser cette forme de l’activité
presbytérale qui est la leur.
- L’engagement des
prêtres-ouvriers, demandent-ils, est-il un fait spécifique à la France
ou d’autres pays ont-ils également des prêtres-ouvriers ? Quel peut-être
l'avenir des PO dans le contexte de la société actuelle ?
Nos amis PO du
Nord/Pas de Calais ont eu ainsi un gros travail d'explication à faire.
Mais cette rencontre a permis pour eux comme pour nous tous, qui nous préoccupons
de l’ouverture de notre collectif PO à d’autres pays, de mesurer les
différences de perspectives qu'il faut avoir à l'esprit quand il s'agit
d’établir des relations internationales sur ce terrain du ministère.
Texte élaboré,
d’après les échos recueillis de cette rencontre, par
Henri BOURDEREAU
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